MAISON COMMUNE DE LA MUSIQUE: LES 10 RECOMMANDATIONS DE ROCH-OLIVIER MAISTRE
• Réaffirmer le rôle « stratégique et prescripteur » de l’État en faveur de la musique,
• Désigner au sein du ministère de la Culture « un visage unique pour la politique musicale »,
• Constituer « un opérateur public – un centre national – au service de l’ensemble de la musique »,
• Attribuer à ce centre national cinq missions d’intérêt général : l’observation, l’information, la formation, le développement international et le soutien économique,
• Affecter à ce centre national de nouvelles ressources issues notamment de la taxe sur la diffusion en ligne de contenus audiovisuels, « afin qu’il soit à même de répondre efficacement aux besoins du secteur musical »,
• Confier à ce centre national la gestion des crédits d’impôts à la production phonographique et à la production de spectacles vivants « et les pérenniser »,
• Mettre en place, pour ce centre national, une gouvernance « resserrée » : « efficace, partenariale et garante de l’intérêt général »
• Encourager des rapprochements entre ce centre national et les organismes d’intérêt général,
• Étudier la faisabilité d’un regroupement immobilier entre ce centre national et ces organismes d’intérêt général,
• Constituer une mission de préfiguration de ce centre national,
telles sont les 10 recommandations inscrites dans le rapport « Rassembler la musique – Pour un centre national », issu de la mission relative à la « maison commune de la musique » confiée par Françoise Nyssen à Roch-Olivier Maistre, et publié par le ministère de la Culture le 15/11/2017.
« Les propositions présentées ici, qui pourraient conduire à la création du nouvel opérateur dès 2019, sont évoquées de longue date. Pour autant, les difficultés soulevées par leur mise en œuvre ne doivent pas être sous-estimées. Les échecs successifs des projets de centre national dédié à la musique ont mis en doute la volonté, sinon la capacité de l’État, à créer un jour un tel établissement. Ajoutées aux préoccupations souvent divergentes de nombre d’acteurs, elles impliquent que la concrétisation d’un tel projet soit l’objet d’un réel engagement de l’État », souligne le rapport dans sa synthèse.
« Fruit d’une large concertation, ce rapport d’une grande qualité apporte des réponses claires et objectives en faveur d’une politique ambitieuse pour la musique en France. (…) Roch-Olivier Maistre présentera son rapport à l’ensemble de la filière la semaine prochaine. Dans le même temps, le ministère engagera des consultations avec les organisations du secteur avant d’annoncer, au plus tard début janvier 2018, les décisions du Gouvernement », indique le ministère de la Culture.
News Tank détaille les mesures phares du rapport.
Constituer un opérateur public chargé de missions d’intérêt général
- Chargé de missions d’intérêt général, cet opérateur « prendrait la forme d’un établissement public placé sous la tutelle de l’État ».
- Deux conditions préalables « paraissent devoir être réunies pour mener à bien un tel projet » :
- un financement « renforcé, permettant d’apporter une meilleure réponse aux besoins et aux évolutions du secteur musical »,
- une gouvernance « adaptée, ménageant une place à chacun tout en garantissant l’intérêt général ».
Valeur ajoutée d’un tel opérateur : « unir, accroître le soutien au secteur, rationaliser »
- Premier apport : une Maison commune de la musique « couvrirait l’ensemble du champ musical et de ses métiers au sein d’un espace utile de dialogue et de fertilisation croisée ».
- Elle « atténuerait les trop nombreuses lignes de fracture qui traversent la vie musicale ».
- Elle rassemblerait les acteurs du spectacle vivant et les acteurs de la musique enregistrée, « alors que l’intégration des stratégies contribue, en pratique, à réduire la portée de ce clivage ».
- Elle permettrait au secteur musical de « disposer d’une voix forte pour faire entendre ses préoccupations et ses aspirations, tant à l’échelle nationale qu’au niveau européen ».
- Deuxième apport : la création de cette Maison commune doit s’accompagner d’un « soutien accru de l’État au secteur ».
- Par rapport aux outils existants un opérateur transversal « permettrait d’apporter une réponse plus adaptée aux enjeux identifiés, en particulier en termes de soutien à la diversité ou à l’innovation, dans une logique de décloisonnement. »
- Troisième apport : participer au « processus de modernisation des organismes d’intérêt général intervenant dans le champ musical. »
- Une Maison commune « parachèverait les évolutions du CNV, engagées depuis 2014, et prendrait sa suite ».
- Dans une optique d’efficacité et de rationalisation, elle contribuerait à l’objectif d’une « organisation simplifiée et rationalisée » mis en avant dans le « Protocole d’accord pour un développement équitable de la musique en ligne » du 02/10/2015.
- « Alors que certains de ces organismes, souvent de taille limitée, font actuellement face à des difficultés, elle créerait les conditions favorables à des mutualisations, voire à des rapprochements. »
Nom : un centre national
- Ce centre national « placerait la musique sur un pied d’égalité avec les autres expressions culturelles. Au vu des échecs passés, il s’agit sans doute de la dernière occasion d’en doter enfin la musique. »
Périmètre : « toute la musique »
- Une Maison commune de la musique « ne peut qu’être la maison de toutes les musiques, de toutes les esthétiques. »
- Pour autant, ce périmètre « ne signifie pas que le centre national dédié à la musique aurait vocation à porter l’ensemble de la politique musicale : seules certaines missions auraient vocation à lui être confiées. »
Missions : observation, information, formation, développement international et soutien financier
- Observation : à travers l’Observatoire de l’économie de la musique « en cours de déploiement » (mis en place par la loi LCAP). Objectif : disposer de données agrégées, « qui font défaut au champ musical », et construire « une vision globale et partagée des enjeux ».
- Information : « alors que l’IRMA connaît des difficultés, l’intégration au sein d’un centre national lui permettrait d’engager sa mutation numérique et d’étendre son champ d’action, tout en capitalisant sur l’expérience acquise et les données recueillies ». La constitution d’une plateforme numérique de référence, « participant à l’orientation et au repérage des acteurs, pourrait être mise à l’étude. »
- Formation : dans le prolongement du catalogue de formation actuellement proposé par l’IRMA, (…) un centre national pourrait « contribuer à dynamiser l’offre de formation initiale et continue à destination, en particulier, des créateurs ».
- Développement international : participer à la démarche de renforcement des soutiens publics à l’export.
- Soutien économique :
- Participation au renforcement de l’effort en faveur de l’éducation artistique et culturelle,
- Attribution d’aides automatiques,
- Octroi d’aides sélectives par des commissions spécialisées, composées d’acteurs professionnels,
- le régime de ces aides a vocation à être défini par les instances du centre national « en tirant profit de la transversalité de l’opérateur et en tenant compte des besoins de la filière musicale, de l’évolution du contexte économique ainsi que des priorités de la politique musicale définie par l’État »,
- ces aides pourraient prendre la forme de subventions mais aussi d’avances remboursables ou de garanties.
- Appui aux projets territoriaux,
- sur le modèle des contrats de filière, conclus à l’initiative du CNV, notamment en Nouvelle-Aquitaine
- Crédit d’impôt phonographique et spectacle vivant : « dans une optique de rationalisation, la gestion opérationnelle des deux crédits d’impôts, qui doivent être pérennisés, pourrait être transférée au centre national ».
- Ce transfert « ne remettrait pas en cause l’attribution de la présidence des commissions d’agrément aux directeurs des administrations centrales ».
- Il « n’affecterait pas la compétence de l’État pour déterminer les évolutions à apporter à ces mécanismes fiscaux ».
Financement : mutualisations et nouvelles ressources
- L’apport de nouvelles ressources constitue « un préalable indispensable à la création d’une “maison commune de la musique”. »
Première source de financement : « effort budgétaire accru de l’État »
- Dotation supplémentaire qui s’ajouterait à :
- la contribution annuelle de l’État au CNV (1,19 M€ en 2017), « qui n’est pas à la hauteur des engagements pris lors de la création de l’établissement public en 2002 »,
- la subvention versée aux organismes d’intérêt général, tels que l’IRMA (830 K€), qui feraient le choix de l’intégration,
- « certaines lignes budgétaires actuellement gérées par les administrations centrales, notamment en matière d’emploi ou d’innovation et de transition numérique de la musique enregistrée ».
- Cet apport supplémentaire « traduirait l’engagement de l’État en faveur du secteur ».
Deuxième source : la taxe sur la billetterie des spectacles actuellement affectée au CNV
- Son rendement est « relativement dynamique (10,4 M€ en 2002, 30,6 M€ en 2016) »
- Son plafonnement a été « régulièrement relevé ».
- Les difficultés « récurrentes » de répartition entre cette taxe et la taxe affectée à l’ASTP« paraissent aujourd’hui résolues ».
Troisième source : à chercher en dehors du secteur
- « Il ne serait pas illégitime que le champ musical bénéfice d’une fraction du produit de taxes actuellement affectées à d’autres secteurs », comme cela « avait été exploré par la mission “Création musicale et diversité à l’ère numérique”, en 2011 »
- À court terme, deux pistes « sont plus particulièrement évoquées » :
- d’une part, la part non affectée de la TOCE,
- d’autre part, la taxe sur la diffusion en ligne de contenus audiovisuels : « la majoration du produit de la taxe pourrait être affectée à un centre national dédié à la musique, en complément du produit qui demeurerait affecté au CNC ».
Gouvernance : « efficace, partenariale et garante de l’intérêt général »
Conseil d’administration
- Nécessairement resserré, ne devrait pas dépasser « une quinzaine de membres ».
- Présidence qui « devrait être confiée à une personnalité expérimentée et indépendante », « afin de garantir l’adhésion de l’ensemble des acteurs ».
- Sur la composition, deux options semblent possibles :
- l’une, correspondant au modèle du CNL, « ménagerait un équilibre entre un collège, majoritaire, comprenant des parlementaires et les représentants de l’État et des collectivités territoriales, d’une part, et un collège professionnel, d’autre part. »
- Cette option « présente l’avantage de permettre une présence des organisations professionnelles au sein du conseil d’administration »
- l’autre, inspiré du modèle du CNC, « se traduirait par la création d’un conseil d’administration restreint aux parlementaires, aux représentants de l’État et des collectivités locales, ainsi qu’à quelques personnalités qualifiées. »
- l’une, correspondant au modèle du CNL, « ménagerait un équilibre entre un collège, majoritaire, comprenant des parlementaires et les représentants de l’État et des collectivités territoriales, d’une part, et un collège professionnel, d’autre part. »
Composantes du centre national de la musique : « permettre des rapprochements »
- Le CNV et ses agents sont appelés « à constituer le socle d’une “maison commune de la musique” ».
- L’IRMA et ses personnels « auraient naturellement vocation à le rejoindre ».
- L’intégration d’organismes d’intérêt général (FCM, FAIR, MFA, MNL, CDMC, Cafés-culture…) doit résulter, d’une part, d’une « volonté de prendre part au projet de centre national » et, d’autre part, d’une « analyse des apports de ces structures à son dessein fédérateur ».
- Elle doit aussi tenir compte « du rôle majeur joué par leurs cofinanceurs que sont les sociétés de gestion collective, dont les contributions doivent être préservées ».
- Certaines structures « se montrent intéressées par le projet ; d’autres se montrent plus réservées ».
Étudier la « faisabilité d’un regroupement immobilier »
- « Le rapprochement physique, autre forme de l’idée de “maison commune”, pourrait constituer un signal porteur d’avenir et un instrument de collaboration accrue et fructueuse entre les acteurs, alors que le CNV et le Bureau Export doivent être relocalisés à brève échéance. »
- Une implantation sur le site de la Villette « gagnerait à être explorée, tant elle ferait sens du fait de la présence de la Cité de la musique-Philharmonie de Paris, du CNSMD et de la Grande Halle. »
Mise en œuvre : une « démarche graduelle »
- La constitution du nouvel établissement public « pourrait être confiée à une mission de préfiguration, appelée à fonctionner en collaboration avec le directeur du CNV, en lien avec les administrations centrales concernées, et en dialogue avec les différents acteurs professionnels ».
- Cette mission « aurait pour vocation » de préparer les choix définitifs concernant le nom de l’établissement public, son périmètre, ses missions, son financement et sa gouvernance.
- Ces choix déboucheraient « sur la préparation d’un vecteur législatif à soumettre au Parlement ».
- La mission devrait également « permettre de déterminer la liste exacte des structures ayant vocation à être intégrées, dès sa constitution, au nouvel établissement public ».
- Dans un second temps, trois chantiers « pourraient être engagés » :
- le fonctionnement de l’établissement public (besoins en personnels, transfert de quelques agents de l’État, organigrammes, système d’information, etc.),
- le regroupement immobilier,
- la réflexion partenariale sur le régime des aides.