LES NEWS DE L’EDITION 06/2018

« Nous serons satisfaits quand le musée Sacem sera devenu un hub collaboratif » (Claire Giraudin)

« Après le lancement du musée, notre objectif est de faire contribuer d’autres professionnels en proposant de numériser leurs documents. L’idée est de travailler collectivement auprès des personnes intéressées par l’idée de rassembler ce patrimoine. Nous avons surtout évoqué l’appui des journalistes, mais nous sommes conscients que certains des ayants-droit de nos créateurs Sacem ont aussi en leur possession des documents dont ils ne savent pas quoi faire. Et j’espère qu’en leur proposant un travail de numérisation de haute qualité, nous leur donnerons envie de numériser leurs archives. Nous serons satisfaits quand le musée Sacem sera devenu un hub collaboratif », déclare Claire Giraudin, directrice de Sacem Université, à News Tank le 12/06/2018.


« L’idée d’un musée Sacem est née avec l’arrivée de Jean-Noël Tronc à la direction en 2012. Il s’est confronté aux 30 kilomètres d’archives conservées et a redécouvert des documents inestimables écrits de la main des plus grands artistes. Après avoir pris conscience de ce patrimoine accumulé depuis 1850, il était nécessaire de partager avec le public ces histoires inédites. (…) D’un point de vue administratif, ces archives ne sont pas historiques mais bien vivantes. Nous collectons ces informations depuis plus d’un siècle et demi, et nous ne nous étions jamais interrogés sur leur valeur patrimoniale et émotive. Pourtant, ces documents constituent un témoignage de l’histoire mondiale de la création », déclare encore Claire Giraudin.

Lancement du musée en ligne de la Sacem le 12/06/2018, nature des archives numérisées, critères de sélection des documents et partenariats avec les établissements culturels, Claire Giraudin répond aux questions de News Tank.

© Marc Chesneau

Pourquoi ouvrir les archives de la Sacem au grand public ?

L’idée d’un musée Sacem est née avec l’arrivée de Jean-Noël Tronc à la direction en 2012. Il s’est confronté aux 30 kilomètres d’archives conservées et a redécouvert des documents inestimables écrits de la main des plus grands artistes. Après avoir pris conscience de ce patrimoine accumulé depuis 1850, il était nécessaire de partager avec le public ces histoires inédites. Avec 700 000 partitions, la Sacem dispose de la plus grande collection d’Europe, nous avons donc commencé à réfléchir à la procédure à suivre.

Il y a désormais des règles strictes concernant les données personnelles et il a d’abord fallu faire un tri concernant les documents à mettre en ligne ou non en fonction de leur appartenance à la Sacem et de l’accord de l’ayant-droit. Notre priorité était de respecter nos auteurs et leurs ayants-droit.

Le terme d’archive est d’ailleurs presque impropre puisque la plupart de ces documents administratifs sont encore actifs et nous servent quotidiennement à identifier nos auteurs et faire valoir leurs droits. D’un point de vue administratif, ces archives ne sont pas historiques mais bien vivantes. Nous collectons ces informations depuis plus d’un siècle et demi, et nous ne nous étions jamais interrogés sur leur valeur patrimoniale et émotive. Pourtant, ces documents constituent un témoignage de l’histoire mondiale de la création.

 

Pourquoi ne pas ouvrir un musée physique ?

L’ouverture d’un musée physique a bien sûr été évoquée mais rapidement exclue pour des questions de coût. En revanche, nous avons tout de suite réfléchi à des alternatives permettant aux gens de voir les archives physiquement. Tout d’abord, nous allons prêter nos archives à des établissements à l’occasion d’expositions, comme cela a été le cas pour l’exposition consacrée à Barbara à la Philharmonie de Paris en 2017. Nous sommes en contact avec les commissaires d’exposition de plusieurs établissements comme le Mupop de Montluçon. Ensuite, certaines de nos expositions seront produites sous la forme physique de panneaux constitués de fac-similés et qui voyageront dans toute la France. Par ailleurs, nous allons offrir la possibilité à nos visiteurs d’imprimer en PDF certaines de nos “pépites”, des documents particulièrement étonnants ou inédits. Il y aura par exemple les examens d’entrée de Georges Brassens et Françoise Hardy.

 

Comment avez-vous conçu ce musée virtuel ?

Nous avons mis en place trois modalités d’accès aux archives. Tout d’abord, nous disposons, comme dans tous les musées, d’un fonds d’archives, qui rassemble l’ensemble des documents numérisés. Ils sont regroupés par zone géographique à travers une carte, par année à travers une timeline, mais aussi par créateur, genre musical ou type de document.

 

Ensuite, nous avons décidé de développer des expositions selon deux axes. Elles seront soit liées à l’histoire de la maison Sacem, avec pour l’ouverture du musée une exposition consacrée aux 17 % de femmes sociétaires, soit liées à l’Histoire, avec une exposition dédiée à mai 68 et intitulée « De la révolte à la légende ».

Enfin, nous présentons ce que nous appelons des chroniques. Ces petits textes ou anecdotes, commandés auprès de journalistes spécialisés ou de collaborateurs externes, concernent nos archives « pépites ». Ces travaux éditorialisés sont enrichis de playlists ou d’archives audiovisuelles. En parallèle, la Commission Mémoire et Patrimoine de la Sacem produit depuis trois ans une douzaine de documentaires. Ces programmes intitulés « Les Coulisses de la création » racontent le parcours d’un créateur. D’autres part, nous avons contacté plusieurs journalistes, dont Stéphane Lerouge, spécialisé dans les musiques de film, afin de collaborer sur les chroniques et expositions. Ce dernier disposait d’armoires remplies d’enregistrements inédits dont il ne savait pas quoi faire. Nous les avons récupérés, nettoyés puis transformés en podcasts de 40 minutes. En entendant cela, d’autres journalistes musicaux ont souhaité contribuer. Nous disposons désormais d’entretiens inédits de Georges Brassens, Paul Misraki ou Serge Gainsbourg. Les podcasts seront disponibles sur l’ensemble des plateformes de streaming (Deezer, Spotify, Apple Music).

Après le lancement du musée, notre objectif est de faire contribuer d’autres professionnels en proposant de numériser leurs documents. L’idée est de travailler collectivement auprès des personnes intéressées par l’idée de rassembler ce patrimoine. Nous avons surtout évoqué l’appui des journalistes, mais nous sommes conscients que certains des ayants-droit de nos créateurs Sacem ont aussi en leur possession des documents dont ils ne savent pas quoi faire. Et j’espère qu’en leur proposant un travail de numérisation de haute qualité, nous leur donnerons envie de numériser leurs archives. Nous serons satisfaits quand le musée Sacem sera devenu un hub collaboratif.

 

Comment comptez-vous mettre en valeur la diversité des créations représentées par la Sacem ?

La sélection s’est faite en gardant à l’esprit la notion de diversité, que nous avons appliquée à un maximum de critères. C’est-à-dire que les documents numérisés témoignent de genres musicaux mais également de répertoires différents. Contrairement à l’imaginaire collectif, la Sacem ne s’adresse pas seulement aux artistes musicaux. C’est ce que le musée va démontrer. Par exemple, nous travaillons sur une exposition concernant le métier peu connu d’auteur de doublage et de sous-titrage, sociétaires depuis les années 30. Par ailleurs, la Sacem, qui compte parmi ses membres Victor Hugo et Paul Verlaine, est également une maison dédiée aux poètes. Nous souhaitons témoigner de la diversité des métiers que représente la société. Cette variété est également géographique, puisque nous disposons de 165 nationalités représentées à travers plus de 20 000 membres étrangers, parmi lesquels Richard Wagner et Giuseppe Verdi.

Nous nous sommes parallèlement engagés à témoigner de la diversité des genres musicaux représentés par la société. En 2019 par exemple, nous consacrerons une exposition aux musiques ultramarines, qui forment un répertoire essentiel à la maison Sacem. Nous nous intéresserons également aux musiques électroniques, à travers une collaboration avec le commissaire de la Philharmonie de Paris. L’idée est de se lier à des expositions physiques lorsque des établissements s’attachent de près ou de loin à la création musicale, audiovisuelle ou à des membres de la Sacem.

 

La Sacem dispose « de plus de 80 millions d’œuvres », comment s’est déroulé le processus de sélection ?

En disposant de 168 années d’histoire, nous ne pouvions pas commencer par la lettre A et suivre tout l’alphabet ! L’enjeu a été de définir pourquoi nous choisissions de numériser un document plutôt qu’un autre. Même en nous restreignant aux créateurs les plus connus, ce qui est déjà très subjectif, nous en aurions fatalement oublié. Nous avons réfléchi avec la Commission Mémoire et Patrimoine, et la décision prise par le conseil d’administration a été d’opérer une sélection organique. C’est à dire que nous avons choisi de fonctionner à partir de deux angles. La sélection s’opère tout d’abord à partir des sujets d’expositions. Ainsi, nous avons proposé des thèmes à des journalistes qui ont établi une liste de créateurs à partir de laquelle nous avons numérisé les documents sélectionnés.

Le deuxième angle de sélection concerne les pépites. Depuis plusieurs années, nous mettons de côté ces archives inédites pour les numériser petit à petit. Il y a notamment une lettre de Boris Vian qui s’interroge sur la manière de devenir sociétaire professionnel. Et bien sûr, il faut prendre en compte les passages obligés, comme les décès ou les anniversaires…

Même si nous rajoutons quotidiennement des archives, il est évident que nous ne pourrons jamais rassembler l’intégralité des documents relatifs aux créateurs de la Sacem. C’est une question de choix. Notre objectif n’est pas de devenir le Louvre, ni la BnF, mais de mettre à disposition des archives intéressantes. En revanche, dans une deuxième ou troisième version du site, nous comptons ouvrir un espace réservé aux passionnés qui souhaiteraient collaborer.

 

Quel est le budget nécessaire à un tel projet ?

Le budget nécessaire est de l’ordre de quelques dizaines de milliers d’euros par an. C’est un véritable projet d’entreprise pour lequel chacun des pôles de la Sacem s’est réparti le travail. Les documents sont numérisés par les employés eux-mêmes à la fois dans le bâtiment d’archives et au siège social. Il ne s’agit pas de notre corps de métier, nous l’avons fait car il était dommage de ne pas mettre à disposition ce patrimoine.

 

Quels sont les partenaires privilégiés de cette initiative ? Le Mupop, la Philharmonie de Paris, Radio France…

Le musée Sacem compte parmi ses partenaires la Discothèque de Radio France, la BNF Collection Sonore et Rétro News, le département de la BNF qui numérise et met en valeur les journaux anciens. Concernant les expositions, nous collaborons avec la Philharmonie (Paris 19e), le Musée national de l’histoire de l’immigration (Paris 12e) et le Mupop de Montluçon (Allier). Nous sommes encore en discussion avec le Hall de la Chanson (Paris 19e) et l’INA. Notre partenariat principal est avec les chambres syndicales des éditeurs de musique, la CSDEM et la CEMF.

*Article publié par Newstank Culture le 12/06/2018