LES NEWS DE L’EDITION 08/2018

CNM : « Un socle incompressible de moyens nouveaux de 20 M€ par an doit être garanti » (Bruno Lion)

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« La méthode adoptée par Émilie Cariou et Pascal Bois est à la fois exigeante et pragmatique. Elle suscite quelques interrogations certes, sur les contours exacts du périmètre du futur CNM, en termes de ressources ou de gouvernance, notamment pour une partie du secteur de la musique dont l’existence implique le recours à l’argent public. Bien entendu, toute la filière s’accorde sur le fait qu’il n’est pas question de déshabiller le secteur des musiques subventionnées pour construire le CNM », déclare Bruno Lion, président de TPLM et gérant de Peermusic, à News Tank le 01/08/2018. « Il appartient aux deux parlementaires, qui nous ont clairement rappelé le contexte de très forte contrainte budgétaire, de se prononcer sur les moyens de son financement. Ils semblent parvenir à ce qu’avait exprimé Roch-Olivier Maistre dans son rapport : des besoins incompressibles de l’ordre de 20 M€ par an. La filière estime, elle, ces besoins plutôt autour de 25 M€. Mais une chose est claire, l’ambition des pouvoirs publics qu’exprime le projet de CNM, induit un socle incompressible de moyens nouveaux à cette hauteur. Il doit être garanti », poursuit-il.

La mission de préfiguration du futur établissement public du CNM a été lancée par le ministère de la Culture le 05/06/2018 et confiée aux députés Émilie Cariou et Pascal Bois. Les résultats sont attendus « à la fin de l’été 2018 » afin de permettre la création du nouvel établissement public « dès 2019 ».

« La mission provoque un enthousiasme rarement connu dans la filière. (…) Personne ne comprendrait qu’il n’y ait pas une traduction budgétaire dans le projet de LFI 2019. Franchement, ce serait incohérent et le Gouvernement perdrait alors beaucoup de sa légitimité à nous parler du « vivre ensemble » que permet la musique comme du rayonnement international de notre soft power. Vu les enjeux, nous attendons des pouvoirs publics qu’ils nous demandent d’être ambitieux et qu’ils en tirent les conséquences », poursuit Bruno Lion qui répond aux questions de News Tank.

La mission de préfiguration du futur établissement public du CNM a été lancée officiellement le 05/06/2018. Quelques organisations ont manifesté leurs “interrogations profondes” concernant la gouvernance, les financements et la mise en œuvre des missions du CNM. Quel est votre regard ?

Les députés Émilie Cariou et Pascal Bois ont, depuis le lancement de la mission de préfiguration, reçu beaucoup de responsables d’organisations de la filière. Ils ont également organisé des réunions en marge des Francofolies de La Rochelle, qui ont rassemblé l’essentiel des acteurs concernés. La méthode adoptée par les deux parlementaires est à la fois exigeante et pragmatique. Elle suscite quelques interrogations certes, sur les contours exacts du périmètre du futur CNM, en termes de ressources ou de gouvernance, notamment pour une partie du secteur de la musique dont l’existence implique le recours à l’argent public. Bien entendu, toute la filière s’accorde sur le fait qu’il n’est pas question de déshabiller le secteur des musiques subventionnées pour construire le CNM. Mais au-delà, je constate surtout beaucoup d’enthousiasme chez les professionnels de la musique de voir enfin l’État considérer nos enjeux à la hauteur qu’ils méritent.

Il appartient aux deux parlementaires, qui nous ont clairement rappelé le contexte de très forte contrainte budgétaire, de se prononcer sur les moyens de son financement. Mais je constate qu’après avoir discuté chacun des besoins, ils semblent parvenir à ce qu’avait exprimé Roch-Olivier Maistre dans son rapport : des besoins incompressibles de l’ordre de 20 M€ par an. La filière estime, elle, ces besoins, plutôt autour de 25 M€. Mais une chose est claire, l’ambition des pouvoirs publics qu’exprime le projet de CNM, induit un socle incompressible de moyens nouveaux à cette hauteur. Il doit être garanti.

Quels sont, outre le financement et la gouvernance, les autres enjeux à prendre en compte pour la mise en œuvre du CNM ?

Trois enjeux doivent nécessairement être pris en compte pour le futur CNM :

La nécessité d’une observation plus complète de ce qui existe pour permettre à l’État de jouer son rôle de stratège.
L’export. C’est aujourd’hui un axe essentiel de notre filière qui a montré que le potentiel de croissance à l’international est avéré. Ça se jouera dans les toutes prochaines années. C’est donc maintenant qu’il faut se mettre au niveau : les Scandinaves, eux, ne vont pas nous attendre pour prendre les places qui sont à prendre, notamment grâce au numérique.
Compléter sur certains points et parfois rationaliser les mécanismes d’aide existants, cela aussi nécessite un peu de moyens et permettra de nouer des partenariats avec les organisations privées. L’actualité illustre parfaitement les enjeux : C’est le cas des festivals qui font difficilement face à l’explosion des coûts de la sécurité alors que l’on annonce la suppression du « Fonds d’urgence ». Cela montre bien qu’un travail en lien avec le privé est indispensable pour que la musique puisse pleinement déployer son potentiel de « vivre ensemble » à travers nos territoires. Mais c’est aussi le cas du crédit d’impôt. L’étude rendue publique par le ministère de la Culture [le 31/07/2018, NDLR] montre que le CIPP est efficace non seulement en termes de renouvellement des talents et de défense de la francophonie, mais aussi en termes d’emploi et de stabilité des entreprises. Au total, pour 1 euro investi en crédit d’impôt, l’État en récupère 2,5 en recettes fiscales et sociales.
Je pense que nous sommes en face de parlementaires qui ont, enfin, pris la mesure des enjeux de la filière musicale française, en termes économiques et culturels, pour la musique et pour notre pays. C’est pour cela qu’il est maintenant essentiel d’accompagner cette démarche. Nous ne sommes aujourd’hui plus du tout dans le même contexte que lors du précédent projet de CNM qui avait finalement été abandonné. Nous étions à ce moment au milieu de la crise. Nous sommes aujourd’hui en sortie de crise. La filière est aujourd’hui rassemblée, et tous les indicateurs sont au vert mêmes si les investissements restent fragiles. De plus, jamais les musiques françaises n’ont eu autant de potentiel à l’étranger. Rappelons que 10 artistes français figuraient dans la programmation de la dernière édition de Coachella qui est le festival le plus influent aux États-Unis, c’est du jamais vu ! Ou encore que depuis 18 mois, la Sacem a, à côté de son travail de collecte des droits d’auteurs en France et dans un contexte de concurrence internationale inouï, remporté plusieurs appels d’offre d’acteurs internationaux de premier plan, pour la gestion des droits dans le numérique. Il y a tout lieu d’être fier de l’un comme de l’autre. À l’échelle de notre secteur, c’est aussi remarquable que l’export de TGV ou de nos produits de luxe.

Les résultats de la mission de préfiguration doivent être rendus “à la fin de l’été 2018” pour permettre la création du nouvel établissement public « dès 2019 ». Êtes-vous confiant quant au respect de ce calendrier et quant à l’inscription du projet du CNM au projet de loi de finances 2019 ?

La mission provoque un enthousiasme rarement connu dans la filière. Le projet du CNM est un projet gouvernemental : le rapport de Roch-Olivier Maistre a été demandé et validé par la ministre de la Culture et la mission de préfiguration est une commande du Premier ministre. Personne ne comprendrait qu’il n’y ait pas une traduction budgétaire dans le projet de LFI 2019. Franchement, ce serait incohérent et le Gouvernement perdrait alors beaucoup de sa légitimité à nous parler du « vivre ensemble » que permet la musique comme du rayonnement international de notre soft power. Vu les enjeux, nous attendons des pouvoirs publics qu’ils nous demandent d’être ambitieux et qu’ils en tirent les conséquences.
*Article publié par Newstank Culture le 01/08/2018