NEWS DE L’EDITION – FÉVRIER

IA : 27 % des revenus des créateurs de musique potentiellement « menacés » à horizon 2028 (Sacem/GEMA)

Paris – Actualité n°313559 – Publié le 31/01/2024 à 09:00
 

• Un marché des solutions d’IA génératives musicales estimé à 300 M$ (soit 276,8 M€) en 2023, et qui « devrait être multiplié par plus de dix d’ici 2028 », soit « plus de 3 Md$ (2,8 Md€) » ;
• 27 % des revenus des créateurs de musique potentiellement « menacés par l’IA générative » à horizon 2028, soit un « dommage estimé à 950 M€ pour la seule année 2028 et à un dommage total cumulé d’environ 2,7 Md€ pour la période 2023-2028 » ; 
• 35 % des 15 000 membres de la GEMA et de la Sacem interrogés utilisant les technologies de l’IA « d’une manière ou d’une autre dans leur musique », proportion passant à 51 % pour les créateurs de moins de 35 ans ;
• 95 % de ces membres demandant que « les fournisseurs d’IA soient contraints de signaler lorsqu’ils utilisent des œuvres protégées par le droit d’auteur comme données d’entraînement » ; 
• 93 % demandant encore aux « décideurs politiques d’accorder plus d’attention aux défis liés à l’IA et au droit d’auteur »,
tels sont quelques uns des chiffres-clés de l’étude « Musique et intelligence artificielle : impacts sur les auteurs, compositeurs et éditeurs de musique », présentée conjointement par la GEMA et la Sacem le 30/01/2024.

« C’est la première fois qu’une étude apporte des éléments chiffrés, économiques notamment, sur l’IA, et cela manquait. On parle de plusieurs milliards d’euros de pertes dans la création. (…) Il faut travailler pour que l’IA continue d’exister mais soit vertueuse, qu’elle apporte une juste rémunération à nos créateurs. Cela passe par la transparence, qui est fondamentale, dans la mesure où elle est attendue non seulement par les créateurs mais aussi par les consommateurs », indique Cécile Rap-Veber, directrice générale de la Sacem.

News Tank revient sur les constats et perspectives dressés par la directrice générale de la Sacem et par Tobias Holzmüller, directeur général de la GEMA.

 



L’étude

Tobias Holzmüller et Cécile Rap-Veber – ©  D.R.
  • « Les opportunités liées à l’IA pour nos créateurs sont évidentes, mais ne sont peut-être pas aussi importantes que le risque et les conséquences sur leur rémunération.
  • C’est la première fois qu’une étude apporte des éléments chiffrés, économiques notamment, sur l’IA, et cela manquait. On parle de plusieurs milliards d’euros de pertes dans la création. C’est autant d’argent qui ne sera pas réinvesti pour la génération de nouveaux créateurs.
  • L’émergence, la diversité et la culture sont des piliers de notre démocratie. Il faut travailler pour que l’IA continue d’exister mais soit vertueuse, qu’elle apporte une juste rémunération à nos créateurs. Cela passe par la transparence, qui est fondamentale, dans la mesure où elle est attendue nos seulement par les créateurs mais aussi par les consommateurs.
  • Et puis quid de la protection de ces nouvelles formes de contenus ? Doivent-elles être protégées par le droit d’auteur ou par un nouveau droit ? 
  • En 2019, la directive “droit d’auteur” prévoyait une obligation de transparence en son article 17. Cette transparence n’a jamais empêché le développement du business. Regardez les résultats de Google, Apple Music, Spotify Meta ou TikTok. Leur réussite est exceptionnelle et je ne vois pas en quoi apporter de la transparence dans l’IA empêcherait OpenIA de dépasser les 80 Md$ de valorisation, valorisation qui est la sienne à l’heure actuelle. »

    Cécile Rap-Veber
  • « Nous avons fait cette étude pour rendre le débat plus objectif quand on parle de l’IA. Jusqu’ici, tout reposait sur quelques anecdotes, et c’est l’expert qui parlait le plus fort qui faisait l’opinion.
  • Nous avons trouvé nécessaire d’aller questionner nos membres sur leur appréhension de l’IA, et avons trouvé logique de mener ce travail avec la Sacem puisque nous représentons les deux plus importantes économies européennes. 
  • Sur le contenu de l’étude, je constate qu’il n’y a pas réellement de peur ni d’hostilité franche à la technologie. Nos membres sont pragmatiques et considèrent l’IA comme un outil qui peut leur permettre d’améliorer leur productivité. 
  • D’un autre côté, il y a cette crainte de se dire que si ces outils déjà très avancés ne cessent de s’améliorer, sur quoi cela va-t-il déboucher ? Quelles seront les conséquences pour la culture, pour la musique créée par des humains ? »

    Tobias Holzmüller, directeur général de la GEMA

Les enjeux 

  • « L’enjeu est la survie des auteurs, si d’aventure rien ne devait évoluer dans le cadre réglementaire ni dans la rémunération des créateurs. Comment faire pour que ceux qui rendent ce marché de l’IA possible soient rémunérés équitablement lorsque leurs œuvres sont utilisées ?
  • Il y a une certaine appréhension quant à la déshumanisation. Les frontières entre l’homme et la machine sont de plus en plus poreuses. L’IA n’est au final qu’un automate qui a été créé par l’homme, et qui parvient à reconnaître certains schémas et à les répliquer pour générer des contenus. C’est tout ce qu’elle sait faire.
  • Aux États-Unis, certains jugent que ce que la machine fait avec l’IA, c’est exactement ce que nous faisons, humains, en lisant un livre et en retenant son contenu, qui peut par la suite inspirer un nouvel ouvrage. Alors, si j’ai le droit de le faire, pourquoi l’interdire à la machine ? La différence notable est que la machine ne lit pas, elle aspire tout les contenus pour reproduire des schémas existants, de façon illimitée et de manière bien plus productive qu’un être humain. »

    Tobias Holzmüller

  • « Je serai rassurée lorsque l’humain pourra revendiquer la paternité d’une œuvre créée par une IA. Sans transparence, on ne saura pas quelle est la part de l’être humain utilisée pour créer l’œuvre. Et sans cela, certains diffuseurs pourront arguer du fait d’avoir utilisé des machines pour créer une œuvre et et n’avoir donc aucun droit d’auteur à verser. 
  • Nous commençons à travailler avec des start-ups pour voir comment, dans les métadonnées, on peut obtenir une traçabilité de ce qui a été utilisé. 
  • Lorsqu’on parle d’inspiration, en effet, la culture des “anciens” a toujours inspiré celle des générations d’après. Mais la grande différence avec l’IA, c’est que l’on passe de l’inspiration à l’aspiration. 
  • OpenAI le disait récemment devant le parlement britannique : si l’on se borne à aspirer ce qui relève du domaine public, on n’offre pas le service qu’est en droit d’attendre l’utilisateur. Il faut aussi aspirer ce qui relève du domaine protégé.
  • Ces 10 dernières années ont été marquées par l’arrêt de la piraterie, laquelle a détruit plus de 50 % de la valeur de la musique enregistrée. Grâce aux revenus du streaming, on renoue avec la croissance et on revient à un certain niveau de marché, qui n’est toutefois pas encore celui des années 2000. 
  • Le streaming est plutôt porteur d’espoir : nos revenus ainsi que ceux de la GEMA sont en croissance sur le digital. Nous avons réussi à corriger les effets de la piraterie, ne recommençons pas ces 10 prochaines années avec l’IA. Tirons les leçons du passé et corrigeons le tir plus rapidement. Il y a une responsabilité politique à agir avant de constater le marasme de la création. Tech et culture ne doivent pas être opposés, ils vont de pair. »

    Cécile Rap-Veber

Quel choix face à l’IA ? 

  • « La Sacem a fait un choix d’exercer son “opt out”, soit son droit d’opposition, qui vient contrebalancer le principe général établi au moment où les règles su l’intelligence artificielle ont été édictées en Europe. Lorsqu’elles ont été établies, elle se basaient sur le fait qu’on pourrait faire de la fouille de données en matière de santé pour faire progresser la recherche sur le cancer, par exemple.
  • Ce que nous n’avions pas totalement anticipé à l’époque, c’était l’IA générative, avec une forme de spoliation de la création pour créer de nouveaux contenus. Toutefois, il existait une exception d’“opt out” dans la directive de 2019, que nous avons décidé d’exercer. Cela ne signifie en rien que nous sommes contre l’IA, mais simplement que si des solutions d’IA veulent pouvoir s’entraîner sur des œuvres de notre répertoire, elles doivent au préalable venir solliciter une autorisation et mettre en place une licence. 
  • Nous avons ainsi adressé 150 courriers à l’ensemble de nos partenaires et des sociétés importantes d’IA, et commençons à avoir des retours de certains qui, souhaitant s’inscrire dans un cadre vertueux, veulent conclure un accord de licence. » 

    Cécile Rap-Veber

Perspectives

  • « À court terme, il faut que l’“IA Act“ soit voté. Nous pensions que cela serait fait au moment où l’étude paraîtrait, mais toujours rien. 
  • Et cela génère de la crainte. Car les préoccupations de l’axe franco-allemand, qui fonctionne habituellement plutôt bien, portent ici davantage sur des questions de compétitivité en matière technologique. Ce n’est pas le bon angle de vue. Cela reviendrait à livrer notre patrimoine en pâture à l’IA. D’où la nécessité d’obtenir de la transparence. »

    Tobias Holzmüller

  • « Je vois aujourd’hui des politiciens obnubilés par le fait de pouvoir rivaliser en Europe avec les grandes société d’IA, au détriment de ce qui a toujours fait notre souveraineté, en Allemagne ou en France : la culture. 
  • Je trouve très triste que, plutôt que d’essayer de protéger un patrimoine culturel qui fait notre renommée dans le monde, on tente de concurrencer des géants américains ou chinois avec lesquels les moyens seront toujours sans commune mesure. Tentons plutôt de protéger ce sur quoi nous sommes les meilleurs : la culture ! »

    Cécile Rap-Veber

 

Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem)

• Organisme privé, la Sacem est une société à but non lucratif gérée par les créateurs et les éditeurs de musique qui composent son Conseil d’administration.

• Création : 11/02/1850

• Missions :
représenter et défendre les intérêts de ses membres en vue de promouvoir la création musicale sous toutes ses formes (de la musique contemporaine au jazz, rap, hip-hop, chanson française, musique de films, musique à l’image…) mais également d’autres répertoires (humour, poésie, doublage-sous titrage, auteur-réalisateur de programmes musicaux…)
– collecter les droits d’auteur et les répartir aux créateurs et éditeurs dont les œuvres ont été diffusées ou reproduites.

• Collectes 2022 : 1,413 Md€ , soit +34 % comparé à 2021 (1,056 M€)

• Répartitions 2022 : 1,056 Md€, soit +19 % par rapport à 2021 (886 M€)

• 210 800 membres, dont 14 100 nouveaux sociétaires en 2022

• En 2021, la Sacem a réparti des droits à 390 000 auteurs, compositeurs et éditeurs.

• Présidente du conseil d’administration : Christine Lidon (depuis le 21/06/2023)
• Directrice générale-gérante : Cécile Rap-Veber
• Directeur général adjoint : David El Sayegh
• Contact : Mathilde Gaschet, directrice du service de presse et des relations médias
• Tél. : 06 87 74 23 04


Catégorie : SPRD


Adresse du siège

225 Av. Charles de Gaulle
92200 Neuilly-sur-Seine France
 

Gesellschaft für musikalische Aufführungs- und mechanische Vervielfältigungsrechte (GEMA)

Société allemande de perception et répartition de droits d’auteurs
Création : 28/09/1933


• Collectes 2022 : 1,178 Md€
– 2021 :
1,038 Md€
– 2020 :
958,8 M€
– 2019 : 1,069 Md€
2018  : 1,019 Md€
2017 : 1,074 Md€


• Répartitions 2022 : 1,009 Md€
2021 : 886,5 M€
– 2020 : 806,4 M€
– 2019 : 905,7 M€
– 2018 : 859,5 M€
2017 : 913,6 M€


• Membres : 90 000 auteurs, compositeurs et éditeurs de musique
• Directeur général : Harald Heker (Tobias Holzmüller à compter du 01/10/2023)


• Contact : Ursula Goebel, directrice de la communication
• Tél. : 00 49 89 48003 426

 


Catégorie : Divers Public


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