« Je reconnais céder à M. Maurice Schlesinger, éditeur de musique, Rue Richelieu N°97, la propriété entière pour la France et l’étranger de mon Hymne à la France, à charge pour lui de publier la grande partition, en outre de la partition avec accompagnement de piano, moyennant la somme de Cinq cents francs dont quittance ».
Dès l’achèvement du film sonore et du disque, passé du saphir au 78 Tours, le grand éditeur français Francis Salabert prenait sur lui la responsabilité d’affirmer en 1926, propos prophétique ou excessif ? : « La reproduction mécanique remplacera la musique papier, mais la musique mécanique est appelée à un tel développement que la musique tout court y trouvera le plus grand intérêt ».
Ainsi, quand avant la deuxième guerre mondiale, le promeneur des Grands Boulevards était attiré par l’enseigne Salabert, il était accueilli par des hôtesses ; un pianiste lui jouait les derniers succès maison et il repartait avec le disque et le petit format du dernier succès de Scotto ou Padilla, de Maurice Chevallier ou de Tino Rossi.
Certes ! Les temps ont changé. La Révolution française a su instituer, par un droit exclusif reconnu à l’auteur, le principe de l’autorisation préalable en matière de représentation publique et de reproduction d’une œuvre de l’esprit. Puis le législateur a étape par étape codifié l’ensemble des droits de la propriété intellectuelle, y-compris les dispositions concernant les droits et obligations de l’éditeur de musique.
A quoi sert donc maintenant pour un auteur, et à quoi va donc servir un éditeur de musique, alors qu’il existe la SACEM, la SDRM, des producteurs de phonogrammes et d’œuvres audiovisuelles et bien d’autres acteurs de la vie musicale ?
La réponse est simple et se situe tant du côté de l’auteur que de l’éditeur :
- Du côté de l’auteur, pour citer Etienne RODA GIL : « Le destin d’une œuvre n’est pas de rester dans un tiroir ».
- Du côté de l’éditeur : l’éditeur de musique est le seul partenaire chargé d’exploiter commercialement l’œuvre musicale et de défendre les droits de ses auteurs dans un environnement au départ plus ou moins indifférent ; car malgré tout le talent insufflé par son auteur, l’œuvre musicale ne peut être connue et diffusée que par une exposition et une exploitation commerciale appropriée supposant un travail préalable de promotion adéquat de l’œuvre. Ce rôle ne doit pas être dévolu à l’auteur qui doit pouvoir se concentrer sur son Œuvre.
L’éditeur de musique a à cet effet deux fonctions essentielles, outre le fait qu’il est en règle générale le seul à défendre l’intérêt de l’auteur face à la contrefaçon spécifique de son œuvre :
- La première fixation de l’œuvre
- La rencontre de l’œuvre avec son public
1. La première fixation de l’œuvre
C’est l’obligation pour l’éditeur de musique de procéder ou faire procéder à la reproduction de l’œuvre dans les conditions spécifiques prévues au contrat entre lui-même et les auteurs de l’œuvre (cf. notamment Articles 132.10 et 132.11 du Code de la Propriété Intellectuelle).
S’il s’agit d’une chanson de variété par exemple, l’éditeur devra publier et mettre à disposition d’un public la partition de l’œuvre.
S’il s’agit d’une musique spécialement créée pour une œuvre audiovisuelle cinématographique, cette œuvre devra être reproduite synchronisée avec cette œuvre audiovisuelle.
2. Permettre au public de connaître l’œuvre.
L’éditeur met à la disposition des auteurs les moyens suffisants pour que leurs œuvres soient susceptibles d’être connues de leur public, quel que soit le résultat obtenu.
L’article 132.12 du code de la Propriété Intellectuelle prévoit en effet que « L’éditeur est tenu d’assurer à l’œuvre une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale conformément aux usages de la profession ».
Ce sont donc les usages de la profession qui délimitent le champ de cette exploitation pour une œuvre de variété, une œuvre de jazz ou de musiques actuelles. L’éditeur satisfait à ces usages s’il a déclenché un processus d’exploitation de l’œuvre autre que la partition musicale, de sorte que l’œuvre soit susceptible d’être connue des médias ou du public.
Ce processus peut être différent selon les cas d’espèces, l’éditeur étant susceptible de contacter à titre d’exemple selon la nature de l’œuvre et la personnalité des auteurs :
- soit des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes.
- soit des producteurs d’œuvres audiovisuelles.
- soit des producteurs de spectacles.
- soit des organismes de radiodiffusion ou de télédiffusion.
- soit des artistes interprètes, etc…
Il doit donc s’établir entre l’auteur d’une œuvre musicale et son éditeur une affinité de pensées, de valeurs etc… qui tient à un sixième sens, selon la nature de l’œuvre, la personnalité de l’auteur et les moyens appropriés à mettre en œuvre. C’est bien en effet toute la richesse du métier d’éditeur de musique d’être en contact, avec sa sensibilité particulière, avec toutes les autres professions liées à la musique et en gardant son identité propre, car l’éditeur seul a intérêt avec l’auteur à maximaliser le niveau des droits patrimoniaux d’auteur de l’œuvre musicale dont il est l’éditeur, la SACEM-SDRM étant l’instrument complémentaire indispensable, nécessaire afin de percevoir le fruit des efforts ainsi accomplis.
Face à la multiplication des modes de diffusion et des usages de la musique, l’éditeur reste le seul acteur à conserver une vision transversale de la carrière de l’œuvre et, ainsi, le seul apte à gérer et faire respecter les intérêts de l’auteur.
Ainsi, l’éditeur apporte-t-il une contribution déterminante à la diffusion et à la protection du patrimoine musical donc de la Culture.