Découvrabilité : « Un tiers des écoutes sur Deezer se fait via les algorithmes » (T. Bouabça, Deezer)
« Pour donner un ordre d’idée, sur Deezer, un tiers des écoutes se fait via les algorithmes. C’est important, mais cela signifie aussi que les deux tiers se font par d’autres biais. Et sur le reste, la moitié des écoutes est lié à la propre librairie de l’utilisateur. Donc oui, il y a une appétence pour la découverte, mais les utilisateurs se réfugient encore beaucoup dans ce qu’ils connaissent. Le reste des écoutes se fait à partir de la barre de recherche. Cela veut dire qu’ils découvrent aussi des artistes dans des contextes extérieurs, TikTok, Netflix ou autres. En définitive, les algorithmes sont très importants mais ils ne sont pas le seul mode de découverte des artistes. Il ne faut donc pas tout miser dessus », déclare Thomas Bouabça, directeur « data science » chez Deezer, lors de la table ronde « Comment les métadonnées sont-elles utilisées aujourd’hui ? », organisée dans le cadre d’une journée consacrée à la découvrabilité des œuvres musicales à l’ère du streaming, à l’initiative de la Félin, le 06/12/2024.
« Chaque DSP a un niveau d’exigence qui varie en matière de métadonnées. (…) Les plateformes demandent des informations obligatoires de base, mais d’autres en exigent davantage : la liste de tous les musiciens, etc. De ce fait, nous anticipons et demandons le maximum d’informations à nos propres partenaires, car nous pensons que c’est important et vertueux de le faire. Le problème, c’est le manque de visibilité sur l’importance des métadonnées dans la découvrabilité des œuvres. Et au-delà, on voit qu’une partie importante des métadonnées que nous demandons à nos partenaires de renseigner restent invisibles sur les plateformes. (…) Le challenge pour nous, c’est donc de continuer à avoir ce niveau d’exigence auprès des labels, sans pouvoir leur prouver leur importance », indique Sylvain Morton, directeur de la distribution chez Idol.
En préambule de cette table ronde, Aleandre Cazac, co-fondateur du label InFiné, et l’un de ses artistes, François Marry (Frànçois and The Atlas Mountains), sont intervenus pour évoquer le sujet de la découvrabilité.
News Tank rend compte de ces prises de parole et de ces échanges, qui se sont tenus au 360° (Paris 18e).
En préambule de cette table ronde, Aleandre Cazac, co-fondateur du label InFiné, et l’un de ses artistes, François Marry (Frànçois and The Atlas Mountains), sont intervenus pour évoquer le sujet de la découvrabilité.
News Tank rend compte de ces prises de parole et de ces échanges, qui se sont tenus au 360° (Paris 18e).
« Comment les métadonnées sont-elles utilisées aujourd’hui ? »1/1
Découvrabilité : « Être certain d’être recommandé aux bonnes personnes » (J. Knibbe)
Métadonnées : un « manque de standardisation » qui pose des difficultés
- « Par définition, une métadonnée est une donnée qui vient décrire une autre donnée. Dans le contexte de la musique, on parle de métadonnées sur les fichiers audio. Il y a de nombreuses manières de parler d’une chanson, mais on va tout d’abord les décrire avec des métadonnées descriptives : titre de la chanson, liste des artistes associés au titre, etc. Il y a les métadonnées de propriété, qui vont décrire qui sont les ayants-droit, les contributeurs, ce qui a pour objet de faciliter la répartition des droits. Puis il y a de nombreuses autres métadonnées, qui vont dépendre des plateformes sur lesquelles le fichier va voyager : données de “mood”, de genres, de bpm… On va analyser le signal et lui imputer de nouvelles métadonnées. »
Julie Knibbe - « Chez Idol, nous avons développé une interface technique qui permet à nos partenaires de nous envoyer leurs données. Chaque distributeur a sa propre interface. Ces données sont par la suite envoyées aux plateformes par des flux de livraison automatisés. Chez Idol, nous sommes dans la promotion de l’enrichissement des métadonnées. »
Sylvain Morton - « Nous recevons les métadonnées à la livraison du contenu, dans un fichier DDEX. C’est un fichier de renseignement un peu libre, ce qui est la principale problématique. Chaque fournisseur de contenu le remplit comme il en a envie, comme il le souhaite. Et c’est cette donnée brute que l’on est censé exploiter. Ce manque de standardisation pose un certain nombre de difficultés.
- Derrière, nous enrichissons ces données de nombreuses manières : des experts chez nous extraient des informations du signal audio, ce qui permet de qualifier le morceau (“mood”, bpm…), puis nos équipes éditoriales sont elles aussi capables d’annoter les morceaux manuellement. Enfin, nous allons également utiliser des fournisseurs de métadonnées pour améliorer et enrichir le qualification des titres.
- Sur l’usage, les métadonnées qui nous sont livrées par les distributeurs sont assez peu utilisées, en tout cas pour le système de recommandation dont je m’occupe. Le cœur de ce dont nous nous servons, ce sont les données sociales. »
Thomas Bouabça - « Spideo a été créé en 2010. Notre objectif était alors de recréer l’expérience du vidéoclub dans le monde digital, et de pouvoir se voir conseiller un film à partir d’un autre film vu précédemment. Au cœur de notre système de recommandation, il y a les métadonnées. Nos algorithmes sont uniquement basés sur les métadonnées et la description de contenus.
- Lorsque nous recevons un catalogue, en amont de sa mise en ligne sur une plateforme, nous l’enrichissons en métadonnées. La question est : quelles sont les métadonnées nécessaires à une bonne recommandation, équivalente à une recommandation humaine en vidéoclub ?
- Nous avons créé notre propre taxonomie pour venir décrire les films et les contenus audiovisuels. La taxonomie est une matière vivante : la première mouture a été établie en 2010, et elle était centrée sur le “mood”. L’idée était de recommander un film sur l’atmosphère qu’il dégage, et pas uniquement de recommander une comédie parce qu’on a apprécié une comédie précédemment. Il faut être plus subtil et fin dans la recommandation. C’est ce qui permet d’améliorer la découvrabilité des contenus. »
Nemesis Srour
- « Dans les métadonnées, certaines permettent de faciliter la répartition des droits. Notamment les codes ISRC ou l’empreinte audio. Des métadonnées bien renseignées vont favoriser une bonne répartition des droits par la suite, c’est une évidence. Il faut être consciencieux sur cet aspect. »
Sylvain Morton - « Les codes ISRC permettent de rattacher les chansons aux artistes, mais quand on est livré, on a un nom d’artiste qui nous est donné sans qu’il y ait, pour ce dernier, un identifiant universel. Ce qui fait que deux artistes peuvent porter le même nom et qu’on ait du mal à attribuer le contenu à l’un ou à l’autre.
- C’est le cas, que je cite souvent, pour Raphaël, un artiste très populaire en France, et qui a un homonyme lui aussi très populaire en Espagne. À qui attribuer le contenu et auprès de qui le recommande-t-on ? »
Thomas Bouabça - « Chaque DSP a un niveau d’exigence qui varie en matière de métadonnées. Nous, ainsi que d’autres distributeurs, faisons partie des “prefered partners” des plateformes, statut privilégie lié à un contrôle qualité assez élevé.
- Les plateformes ont mis en place ce contrôle qualité sur les métadonnées, et sur les livraisons de manière générale, pour faciliter le travail des acteurs vertueux. Ainsi, notre statut privilégie nous permet de livrer de manière instantanée sur certaines plateformes, là où l’on serait sur un délai de 72h sans cela.
- Les plateformes demandent des informations obligatoires de base, mais d’autres en exigent davantage : la liste de tous les musiciens, etc. De ce fait, nous anticipons et demandons le maximum d’informations à nos propres partenaires, car nous pensons que c’est important et vertueux de le faire.
- Le problème que l’on a actuellement, c’est le manque de visibilité sur l’importance des métadonnées dans la découvrabilité des œuvres. Et au-delà, on voit qu’une partie importante des métadonnées que nous demandons à nos partenaires de renseigner restent invisibles sur les plateformes.
- Or, cela serait plus simple pour nous de justifier l’intérêt de nous livrer des métadonnées exhaustives si elles étaient affichées. Le challenge pour nous, c’est donc de maintenir ce niveau d’exigence auprès des labels, sans pouvoir leur prouver leur importance.
- Cette recherche de qualité est forcément une démarche vertueuse à terme pour les enregistrements. Mais cela ne se traduit pas forcément dans l’immédiat. Et ce n’est pas des sujets que nous abordons avec les DSP, nos discussions portant davantage sur les usages. »
Sylvain Morton
Les données d’usage, outil préféré des plateformes pour la recommandation
- « Concernant la recommandation, comme je le disais plus haut, l’approche se fait davantage sur les données sociales, ou données d’usage, que sur les métadonnées.
- Nous regardons ce que les utilisateurs écoutent, quels sont les artistes ou chansons qu’ils placent dans une même playlist, les artistes qu’ils écoutent et la manière dont ils les écoutent. Cela nous permet de savoir ce qu’ils affectionnent particulièrement. C’est de l’information brute, qu’on traite et qui permet de créer un espace musical, avec des chansons qu’on place par proximité de genres, d’artistes, d’inspirations, de localités… Cela nous permet de créer un espace de qualité, qui permet d’apporter à l’auditeur de la découverte de manière assez fine.
- Mais pour disposer de données d’usage, il faut de l’usage. Et lorsqu’il y a peu d’usage, sur un artiste émergent ou un titre nouveau sur une plateforme, les données manquent. C’est là que les métadonnées renseignées en amont par le distributeur interviennent et doivent être pertinentes.
- Les métadonnées servent aussi à améliorer l’expérience globale de l’utilisateur, même si elle ne seront jamais au cœur de la recommandation.
- Pourquoi les données d’usage restent-elles plus pertinentes que les métadonnées pour la recommandation ? D’une part parce que les métadonnées peuvent être de qualité très variables, comme il a été dit. Il faudrait que toute l’industrie puisse s’aligner sur un standard commun. Mais même si c’était le cas, ce ne serait pas suffisant.
- La taxonomie des genres est extrêmement complexe. Chez Deezer par exemple, environ un tiers de contenus est tagué comme étant “pop”. Donc recommander un tiers de notre contenu à quelqu’un qui aime la pop n’a pas de sens : on lui proposerait des contenus allant de Jul à Coldplay. Il y a une nécessité de granularité, et donc de définition des genres. »
Thomas Bouabça - « Chez Music Tomorrow, le service que l’on veut rendre aux artistes et aux labels, c’est de les aider à être découverts. Il leur faut plus de visibilité, en valeur absolue, et être plus visibles dans les playlists algorithmiques. Mais l’objectif premier est d’être certain qu’ils sont recommandés aux bonnes personnes. Être visible auprès de tout le monde n’est pas un but en soi.
- Prenons une artiste émergente qui fait des chansons électro pop françaises. Sur Spotify, elle est associée à plusieurs groupes d’artistes et d’audience, qui sont des artistes de variété très établis, de variété française plus récente, d’indie pop française, et d’electro pop française. Le travail du label est d’y aller par étape, et de cibler les premiers fans pour gravir les échelons petit à petit.
- Quand on a identifié le bon positionnement, il faut créer de l’usage. Dans les stratégies à mettre en place et pour créer l’engagement, il faut avoir des écoutes, car ce sont les données d’usages qui vont influencer la manière dont on est compris. Il faut bien faire son marketing, être sûr d’être visible auprès des bonnes audiences, que ces audiences répondent en étant engagées, et notamment en incluant de la musique dans des playlists, etc.
- Il y a une dilution de l’attention. Quand on veut travailler un titre, il faut lui laisser le temps d’être découvert et de s’installer. Ensuite, il faut un certain volume d’écoutes pour qu’on ait bien compris de quoi il s’agit. Si vous sortiez un deuxième titre la semaine suivante, il va y avoir un effet dilutif de l’attention auprès de ce que vous cherchez à atteindre, qui va venir casser la construction de l’audience. Ce n’est pas souhaitable de sortir trop de choses trop souvent. »
Julie Knibbe - « Pour donner un ordre d’idée, sur Deezer, un tiers des écoutes se fait via les algorithmes. C’est important, mais cela signifie aussi que les deux tiers se font par d’autres biais. Et sur le reste, la moitié des écoutes est lié à la propre librairie de l’utilisateur.
- Donc oui, il y a une appétence pour la découverte, mais les utilisateurs se réfugient encore beaucoup dans ce qu’ils connaissent. Le reste des écoutes se fait à partir de la barre de recherche. Cela veut dire qu’ils ont découvert aussi des artistes dans des contextes extérieurs, TikTok, Netflix ou autres. En définitive, les algorithmes sont très importants mais ils ne sont pas le seul mode de découverte des artistes. Il ne faut donc pas tout miser dessus. »
Thomas Bouabça - « En tant que distributeur digital, nous regardons énormément les données de consommation organique. C’est un argument imparable qui permet d’aller pousser un titre auprès des équipes éditoriales. C’est cette donnée qui permet de dire à une plateforme qu’un artiste n’est pas suffisamment soutenu, alors qu’il a une audience active. Il est important de rappeler en effet qu’il n’y a pas que les algorithmes.
- Quand il y a beaucoup de consommation organique, c’est finalement plus simple de convaincre. Mais quand on est en début de carrière, c’est là le plus dur. Les tendances sur les réseaux sociaux peuvent être un indicateur pour les plateformes. Car une tendance sur TikTok va forcément se traduire en consommation sur leur propre plateforme.
- Donc un engagement qui fonctionne sur les réseaux sociaux, c’est aussi un bon argument à faire valoir par le distributeur pour aller pousser un titre et demander un soutien éditorial aux plateformes. »
Sylvain Morton - « L’engagement sur les réseaux sociaux est quelque chose que l’on regarde, car l’enjeu de la recommandation des artistes émergents est crucial. Entre plateformes, la concurrence est féroce. Qu’est-ce qui peut nous distinguer de Spotify ou d’Apple Music, en définitive ? C’est la découverte de nouveaux artistes auprès de nos auditeurs. Il faut pouvoir être performant à cet endroit, et améliorer sans cesse notre capacité à en faire émerger. Pour l’instant, rien n’est informatisé chez nous pour intégrer des informations sur l’audience des artistes sur d’autres plateformes.
- Les bulles de filtres ne sont pas synonymes de recommandations automatisées. Le contenu populaire tend à rassurer les utilisateurs pour les emmener vers des découvertes un peu plus subtiles. Car la découvrabilité reste en réalité une expérience un peu inconfortable. Il faut être dans un bon état d’esprit pour découvrir un artiste. Et ce n’est pas l’usage dominant, je le disais. Il faut amener la découverte dans un écrin qui permette de la faire accepter.
- Nous ouvrons nos données à des chercheurs pour qu’ils puissent faire une sorte d’audit de nos systèmes de recommandation. Ce que l’on constate, c’est que ceux qui les utilisent ont tendance à découvrir et écouter davantage d’artistes que lorsqu’ils écoutaient la radio. Donc la conclusion est que ces outils ont plutôt tendance à faire exploser les bulles de filtres qu’autre chose. »
Thomas Bouabça - « Il est utile de rappeler que nous tous ici travaillons dans la musique. Nous ne sommes pas représentatifs de l’utilisateur moyen d’une plateforme de streaming. Quand nous parlons de découverte, nous ne sommes pas nécessairement les mieux placés pour nous projeter. Thomas rappelait qu’une grande partie des écoutes sur Deeezer est liée à ce que les utilisateurs connaissent déjà. La découverte est un phénomène qui intervient de temps en temps, en fonction de plein de paramètres, du moment de la journée, de l’âge de l’auditeur, du temps disponible… Mais ce n’est pas le comportement par défaut. Il faut penser notre lecture des données en intégrant ce paramètre.
- Autre chose : je pense que l’utilisateur final a besoin de savoir, dans son expérience d’écoute, pourquoi on lui recommande tel ou tel contenu. Il sera plus ouvert à la découverte s’il sait pourquoi on lui propose.
- Dernière chose. On se demande souvent comment les algorithmes fonctionnent. Pourtant, c’est très important d’en avoir la connaissance quand on est producteur ou artiste. Il y a un enjeu. Chez nos clients, une fois que ce savoir est intégré, ils peuvent agir en conséquence, ils redeviennent un peu plus les maîtres du jeu. »
Julie Knibbe
« Encourager une forme de recommandation plus en phase avec la réalité de la création musicale » (A. Cazac)
- « InFiné est un label créé à la fin de l’ère du CD. Il a surfé sur la première vague digitale, qui semblait être un paradis par rapport à toutes les contraintes que semblaient poser le physique. Tous les formats, imposés par les médias ou les magasins, volaient en éclat. Nous pouvions sortir des albums de piano avec des titres très longs. Nous avons été les premiers bêtatesteurs de toutes les premières solutions destinées à partager de la musique. Nous les avons même soutenues, en pensant qu’il s’agissait des meilleures armes contre le piratage.
- Mais aujourd’hui, c’est l’âme de nos catalogues qui est en danger. (…) J’ai l’impression que nous sommes des microbes dans le système qui s’est mis en place, sachant que c’est déjà un défi de faire de la production musicale aujourd’hui. Après être devenus des “community managers”, il faudrait désormais que nous soyons des “data scientist”. Ce n’est pas évident.
- Les recommandations faites aux auditeurs sur les plateformes de streaming reposent sur des données dites “sociales”, c’est-à-dire sur le comportement des utilisateurs. Et en aucun cas sur des critères purement liées à la musique. Ce qui va à l’encontre des valeurs que l’on essaie de défendre dans nos catalogues. Et cela annonce un possible désert de création dans les années à venir si l’on ne s’organise pas pour y remédier.
- Cela exige un niveau d’expertise chronophage et coûte de l’argent, une équation difficile à résoudre pour des labels comme les nôtres, aux équipes et moyens limités.
- (…) Pour nous, indépendants, et pour la filière musicale à l’échelle européenne, nous vivons l’ère du “fast food” du streaming et de la recommandation. Peut-être pourrait-on encourager une forme de recommandation plus en phase avec la réalité de la création musicale. Par exemple, un algorithme déteste quand un musicien change de style d’un album à l’autre. Avec ce principe, un artiste serait tenu de rester dans le même style musical pendant toute sa carrière pour conserver le lien avec l’algorithme.
- Par ailleurs, il existe une fracture numérique qui risque de se creuser : qui, au sein des labels, peut passer tout ce temps à renseigner les métadonnées les plus complètes possibles, pour que la découvrabilité soit assurée ? Pourrait-on envisager une réflexion autour d’une matrice commune pour renseigner cela ? Le dépôt légal, qui est obligatoire en France, rassemble déjà des données autour des enregistrements. Pourquoi ne pas se reposer sur cette base légale et l’élargir dans le futur ?
- Mieux renseigner pour être découvrable, c’est aussi la meilleure défense que nous puissions adopter pour faire face à la “musique au kilomètre” issue des IA qui commencent à abreuver les plateformes.
- Notre filière a besoin de régulation. Nous pourrions prendre exemple sur ce que fait le cinéma. Depuis 2022, les investissements de Netflix sont fléchés à 75 % vers des productions indépendantes. Pourquoi ne pas imaginer des mécanismes équivalents dans la musique ? Pourquoi pas encourager une taxe streaming européenne ?
- Il y a un grand programme européen sur l’IA qui s’annonce. Il faut que la musique en fasse partie. Faisons le choix d’être des acteurs de notre soft power et de participer à l’émancipation numérique européenne. »
Alexandre Cazac, cofondateur du label InFiné - « Le métier n’arrête pas de changer. Aujourd’hui, en plus de notre métier d’artiste, il faut que l’on devienne influenceur. C’est notre seul outil pour attirer le public sur notre création. Et cela peut être totalement chronophage.
- Avant, je passais du temps à faire de la musique, à améliorer ma manière de jouer, à peaufiner la qualité de l’enregistrement, je dessinais, je créais du contenu vidéo… Il s’agissait de différents canaux qui s’inscrivaient dans un processus de création. Tout cela était diffusé, une fois, et avait des retombées dans les trois à 12 mois qui suivaient. Aujourd’hui, je suis obligé de créer du contenu quotidiennement, et de créer un “objet” par plateforme. Cela multiplie le nombre de contenus à délivrer, lesquels doivent être renouvelés constamment. On aboutit donc à une compression du temps, qui impacte la créativité en bout de course.
- J’ai connu l’ancien monde, étant en activité depuis déjà quelques années, et me demandais si j’étais pertinent pour aborder ces sujets. Puis je suis tombé sur le post d’un jeune artiste qui se nomme Ian Caulfield. Il a commencé à susciter l’intérêt dans le milieu de la musique, et s’est retrouvé ainsi à faire des premières parties en Zénith. Sa musique n’étant pas mainstream, il a été un peu malmené et a décidé de faire les choses autrement.
- Voici ce qu’il dit : “Depuis quelque temps, je réfléchis à une façon de faire et de sortir de la musique qui me soit plus saine, vertueuse, et qui ne trahisse pas mes valeurs. J’y ai beaucoup réfléchi, car dans cette industrie dans laquelle je suis entré depuis quelques années, j’ai remarqué qu’on ne propose plus qu’un chemin aux artistes, celui du succès et de la rentabilité ultra-rapides. Tout repose sur le même but : faire toujours plus d’audience, de chiffre, d’argent et faire toujours plus vite. S’il fut un temps où les labels misaient sur un projet artistique, sachez qu’aujourd’hui, ils ne font qu’observer les courbes de performance sur les réseaux sociaux et les streams pour déterminer si cela vaut le coup de travailler avec vous. Lorsque cela vaudrait le coup, il vous faudrait devenir la révélation. Celle qui passera devant tous les autres et qui n’aura plus d’autre choix que le plus grand succès commercial. Tant que vous n’emprunterez pas cette voie, on vous fera sentir que ça ne va pas. Vous vous exprimez donc à cette seule condition : dominer. Vous vous demandez peut-être pourquoi tant d’artistes parlent de santé mentale en ce moment. Et pourquoi tant de stars et de personnalités influentes sont en réalité des gens qui intimident, manipulent et agressent. Comment pouvez-vous imaginer un monde où vous écoutez des artistes sains d’esprit dont on attend d’eux qu’ils dominent sur tous les autres ? (…).”
- Ce n’est qu’un extrait du post, mais ce qui me semble intéressant est qu’il émane d’un artiste plus jeune, a priori plus tourné vers le numérique et adapté aux outils liés à la découvrabilité. Mais même les jeunes artistes se retrouvent parfois démunis dans l’océan de contenus dans lequel nous vivons, et c’est difficile pour eux de trouver une faille pour exprimer leur créativité. »
François Marry (Frànçois and The Atlas Mountains)